Petit catalogue des promos bidon
Parmi les pratiques des hypermarchés, la vente en « format éco ». Des produits qui peuvent s'avérer plus cher en lots qu'à l'unité. | (LP/Thomas Morel-fort.)
« Quatre achetés, un offert », « + 20% gratuit »… A l'approche de la rentrée scolaire, les hypermarchés et supermarchés se battent à coups de promotions pour attirer les clients. Souvent très accrocheuses, ces opérations commerciales sont vitales pour les grandes surfaces : sans elles, leur chiffre d'affaires annuel serait amputé de près de 30%. Toutefois, face à ces « prix chocs » et « rabais exceptionnels », le consommateur est-il vraiment gagnant? Pas toujours.
En 2010, la DGCCRF a mené l'enquête. Dans 41% des 900 magasins inspectés, une (parfois plusieurs) infraction avait été relevée. Pour l'essentiel, des défauts d'étiquetage, des problèmes d'arrondis. Cependant, dans 8% des cas, des PV ont été dressés pour « pratique trompeuse ». En clair, la promo était bidon. Voici les plus fréquentes.
Le produit discount introuvable. C'est la plus classique : «- 50% sur les cahiers, stylos, trousses », annonce le catalogue trouvé dans la boîte aux lettres, photos à la clé. Attiré par ce rabais, le consommateur se rend dans la grande surface, et les articles en promo sont introuvables… Le premier jour de la promo, le magasin prétend « qu'il n'a pas été approvisionné »; le dernier jour, qu'il est « en rupture de stock ». De guerre lasse, le consommateur finit par se résigner à un achat plus coûteux. Ce type de « pratique trompeuse » peut coûter jusqu'à 375000 € d'amendes et/ou deux ans de prison.
Des produits en lots plus chers qu'à l'unité. Sous couvert de « format éco », la technique consiste à vendre des produits en lots plus chers qu'à l'unité. Subitement, un lot de 8 petits pots pour bébé (au lieu de 4) revient finalement en promotion à 4,83 € le kilo, au lieu de 4,38 € à son prix normal. Dans le même registre, il faut se méfier des paquets « familiaux ». Seule parade : bien vérifier le prix au kilo (ou au litre) et se munir de bonnes lunettes : il figure en plus petits caractères.
La promotion invérifiable. Le procédé est très simple : on lance une promotion sur des produits originaux, retirés des rayons, rendant pour le consommateur toute comparaison impossible. Carrefour et Leclerc viennent de se faire, entre autres, condamnés à ce titre en Seine-Maritime.
L'effet trompeur du packaging. Un habile packaging peut faire débourser 50% plus cher à un client tête en l'air. Il faut ainsi bien contrôler le volume des emballages. En période de rabais, le prix des glaces peut fondre, leur contenant aussi : subrepticement, le bac de 1 l est passé à 900 ml…
Prix les plus bas garantis mais invérifiables, « prix choc » mais pas forcément les moins élevés... Tous les coups sont permis pour attirer les clients. Enquête sur les petites combines des grandes surfaces.
Auchan s'engage à rembourser 10 fois la différence si vous trouvez moins cher ailleurs, Carrefour 2 fois. Mais les démarches pour se faire rembourser sont très compliquées. |
Elles sortent l'artillerie lourde pour défendre le pouvoir d'achat des Français. Du moins officiellement. A la rentrée, les géants de la grande distribution comme Carrefour et Auchan promettent en tout cas dans leurs catalogues les prix les moins élevés. La preuve ? Carrefour rembourse deux fois la différence au client s'il trouve moins cher ailleurs et Auchan s'engage, lui, à payer… dix fois la différence! Objectif : convaincre les consommateurs de desserrer les cordons de leur bourse. « Elles tentent aussi de contrer Leclerc, le leader des prix bas », souligne William Faivre, PDG de l'agence de marketing Catalina, spécialisée dans le comportement des consommateurs.
Dans cette guerre des prix, tous les coups sont permis. « Elles essaient de concilier des campagnes de plus en plus agressives avec le maintien d'une bonne image de marque auprès de leur client », décrypte William Faivre. En clair, elles jouent sur les mots pour appâter le chaland. Exemple : elles mettent régulièrement en tête de gondole des « prix choc » ou « prix malin » qui n'ont aucune valeur juridique mais qui poussent les clients à acheter, convaincus, souvent à tort, qu'ils font une bonne affaire.
Comparer : une mission (presque) impossible
En cette période de rentrée scolaire, nous sommes donc allés vérifier dans les rayons des hypers la réalité de ces prétendues « garanties » des prix les plus bas. Une promesse qui s'appuie sur les négociations menées en amont avec leurs fournisseurs, inspectés régulièrement. Mais notre testing montre que la promesse n'est pas toujours tenue. Surtout, pour le client, comparer les prix est mission (presque) impossible. Les listes des produits avec la « garantie prix les plus bas » ne sont pas disponibles sur Internet, elles sont propres à chaque magasin et modifiées chaque semaine. Bref, pour celui qui veut comparer les prix cassés des grandes surfaces, c'est le parcours du combattant. Quant à celui qui trouvera un produit plus cher que chez le concurrent ? Il devra multiplier les démarches pour obtenir de se faire rembourser « deux fois » ou « dix fois » la différence. Tout cela pour empocher quelques centimes. Le comble? Les grandes surfaces n'hésitent pas à utiliser les données collectées par leurs clients pour ajuster leurs prix et ainsi fausser la concurrence. A ce petit jeu, Carrefour a été condamné à 27,4 M€ d'amende par l'autorité de la concurrence fin 2007.
Epinglées à plusieurs reprises pour leurs pratiques commerciales douteuses, « les grandes enseignes font désormais très attention pour ne pas déraper légalement », note William Faivre. Mais elles restent en permanence sur le fil du rasoir. L'une des raisons ? Les mauvais résultats enregistrés par les hypermarchés ces derniers mois. « Les supermarchés, plus proches des centres villes et à taille humaine, séduisent plus en temps de crise, explique William Faivre. Du coup, les très grandes surfaces multiplient les techniques de promotion agressives. » Aux consommateurs de rester, plus que jamais, vigilants.
« Les enseignes jouent avec la loi »
ERWAN SEZNEC chargé de la grande distribution chez UFC-Que choisir
Erwan Seznec a réalisé de nombreuses enquêtes sur les hypermarchés pour l'association de défense des consommateurs UFC-Que choisir. Il décrypte les campagnes marketing des grandes enseignes.
Quand elle propose des prix « choc » ou « malin », la grande distribution ne trompe-t-elle pas ses clients ?
Erwan Seznec. Si. Les enseignes sont constamment sur la ligne jaune.
Elles jouent sur les mots pour rester dans la légalité. Ainsi, les « prix malins » ou « promo spéciale » sont des notions qui ne valent rien juridiquement, contrairement au terme « soldes ». Lorsqu'un client voit en tête de gondole un lot de trois paquets de pâtes au « prix choc » de 2,99 €, il pense que c'est une affaire. Mais quand il retrouve le même paquet à 0,70 € l'unité en rayon, il voit bien que ce n'est pas le cas.
Est-ce que les enseignes abusent aussi les consommateurs en promettant de leur garantir les prix les plus bas ?
Non, lorsque les grandes surfaces ont négocié en amont avec les grandes marques pour s'assurer d'être effectivement les moins chères. Mais, dans certains cas, elles se contentent de s'aligner sur les prix des autres enseignes pour les mêmes produits. D'une certaine façon, elles faussent donc la concurrence. Et le consommateur n'est pas dupe.
Peut-on parler d'une arnaque ?
Juridiquement non, car les enseignes réactualisent régulièrement leurs prix pour être moins chères sur les produits qui portent leur garantie. Après, si on trouve moins cher ailleurs, c'est la croix et la bannière pour se faire rembourser la différence. Il faut une preuve juridique pour démontrer que le prix était moins cher et, pour dix ou vingt centimes d'euros de différence, personne ne va s'embêter à faire les démarches.
Si les consommateurs ne sont pas dupes, pourquoi la grande distribution continue-t-elle à mener ces campagnes de promotion ?
Pour elles, l'intérêt est de transformer le client en policier. Car, quand il prévient qu'il a trouvé moins cher chez un concurrent, l'enseigne contacte son fournisseur et lui demande de s'aligner sur ce prix. C'est aussi un moyen pour les enseignes de savoir dans quel magasin vous faites vos courses et chez quel concurrent vous allez.
Le Parisien